3/05/2008

Bill C-10 : à quand une police de la pensée?




La droite ultra-conservatrice moralisante et débilitante gagne du terrain à Ottawa. Pour ceux et celles qui n'auraient pas encore eu vent de cette histoire, en voici le résumé. Le bill C-10, adopté à la Chambre des Communes, propose d'octroyer au ministre du Patrimoine un pouvoir discrétionnaire inquiétant: celui de refuser des crédits d'impôt aux oeuvres considérées "offensantes" ou "contraires à l'ordre public".

La formulation a le mérite d'être claire: les artistes qui désireraient manoeuvrer hors du "socialement acceptable", ou, pis encore, qui désireraient oeuvrer à miner le sacro-saint ordre public devront le faire sans le coup de pouce de l'Agence du Revenu du Canada; on ne parle pas de financement direct, mais bien de "tax relief", de "soulagement fiscal" mis en place pour favoriser l'activité culturelle. Or, à mon humble avis, une grande partie de l'art repose sur ceci: remettre en cause les fondements de l'ordre établi. Je n'irais pas jusqu'à dire que ce qui glorifie un ordre déjà en place n'est pas de l'art, même si ce n'est pas l'envie qui manque. Voici une série d'articles sur le sujet:

Pas d'argent pour troubler l'ordre public, Radio-Canada
Des raisons de craindre le pire, Marc Cassivi, Cyberpresse
L'idée d'annuler les crédits d'impôt aux films "offensants" sème la controverse, Pressse Canadienne.
Le retour à la Grande noirceur?, Manon Dumais, Voir.ca
Evangelist takes credit for film crackdown, Bill Curry and Gayle Macdonald, Globe and Mail.


S'il ne s'agit pas à proprement parler de censure, il s'agit tout de même d'un attaque en règle contre tout ce qui contrevient aux valeurs conservatrices. Je suis allé voir le texte de loi présentement à l'étude. Le changement proposé est le suivant: le paragraphe 119(3)(b) - vous pouvez rechercher "119" dans le texte et descendre jusqu'à (3) - se lirait comme suit: "le certificat de production cinématographique" - le crédit d'impôt - serait délivré par le Ministre du Patrimoine "s'il s'agit d'une production cinématographique ou magnétoscopique canadienne relativement à laquelle ce ministre est convaincu que le fait d'accorder à la production un soutien financier de l'État ne serait pas contraire à l'ordre public." That's it. Quelle interprétation sera faite de ce tout petit bout de loi? Est-ce qu'un film qui conteste la présence canadienne en Afghanistan, par exemple, est contraire à l'ordre public?

Les tenants de cette modification sortent l'arsenal habituel des réactionnaires: c'est pour protéger nos enfants, nos familles, contre les ravages de la pornographie et de la violence excessive. Cependant, regarder les directives quant à l'octroi du fameux certificat, détaillées sur le site de Parimoine Canada: à la section 5, parmi les productions non-admissible (déjà) se trouve... la pornographie!

Pour comprendre l'optique dans laquelle cette modification est apportée, l'article du Globe and Mail apporte un éclairage intéressant: l'idée vient d'un évangéliste, Charles McVety, qui fait partie du groupe Canada Family Action Coalition. Leur site fait peur...

Pour terminer, une petite citation du même article: "Mr. McVety said films promoting homosexuality, graphic sex or violence should not receive tax dollars (...)"
Et voilà...


Il existe un groupe Facebook pour ceux qui s'opposent à cette partie du bill C-10. Il existe un autre qui le supporte... mais vous devrez le trouver seul-e-s!!!

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